Cela fait quelques années que le lycée Marie Curie célèbre la journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Et ce fut encore une belle réussite cette année 2024.
Précisons que, pour 2024, elle s’intègre à un programme d’actions plus large centré sur les différentes discriminations que le lycée a intitulé le « mai de l’égalité ».
Imaginée, organisée et portée par Mme Josiane Even-Schindler, CPE, et David Wimmer-Nejman, professeur documentaliste, cette journée s’est divisée en trois temps forts.
Paroles aux témoignages
Le matin, c’est une conférence/débat sur les discriminations homophobes et transphobes en milieu scolaire qui s’est déroulée devant tous.tes les délégué.e.s de toutes les classes (titulaires et suppléant.e.s), devant les ambassadeur.ice.s contre le harcèlement, les élu.e.s du CVL et les terminales EPPCS.
L’objectif était d’apporter des témoignages concrets sur ce que vivent les élèves LGBTQIA+ au collège et au lycée et d’apporter également un cadre légal et juridique.
Pour ce faire, le lycée avait convié plusieurs personnes à intervenir.
C’est tout d’abord Raphaël, jeune homme transgenre en classe de terminale qui a voulu témoigner de son expérience, du rejet scolaire, des violences et insultes, de son parcours difficile au sein de ses précédents établissements scolaires et également du long chemin vers sa transition. Un moment très intense qui s’est conclu par la satisfaction de le sentir bien et en sécurité au lycée Marie Curie, ce qu’il n’avait jamais connu avant. « Il a fallu que j’attende d’être dans ce lycée pour constater qu’il y avait des enseignants bienveillants et des camarades ouverts pour m’accepter tel que je suis sans me poser de questions ni me rejeter pour ce que je suis » dira-t-il en conclusion de son intervention.
Ce fut ensuite le tour de Cédric Morgen, artiste de la scène drag strasbourgeoise, qui a témoigné sur les agressions, violences et insultes qu’il a pu rencontrées lors de ces années lycée. Il tenait véritablement à partager son vécu pour interpeller les jeunes générations sur la réalité de la vie d’un jeune LGBTQIA+.
Enfin ce sont les bénévoles, Mathilde et Pauline, de l’association « Dis bonjour sale pute » , qui ont replacé le cadre légal, apporté un éclairage sémantique sur le vocabulaire et alerté sur l’augmentation des chiffres des agressions contre les personnes de la communauté queer en France en 2023.
« Il était très important de débuter cette journée par ce temps de partage et d’informations pour les élèves présents », souligne Josiane Even-Schindler, CPE du lycée Marie Curie.
Une matinée donc essentielle durant laquelle les élèves ont eu une attitude exemplaire de respect et d’écoute.
Focus sur le métier d’artiste drag
S’il fallait trouver une justification à la présence d’un artiste drag au lycée, on pourrait souligner que le TNS, seconde école nationale d’art dramatique en France, a, en 2024, proposé une masterclass de 10 jours aux étudiants de première année avec les artistes drag du cabaret parisien Madame Arthur.
S’il fallait en trouver une seconde, nous pourrions préciser que le travestissement et l’art du maquillage existent depuis l’origine du théâtre, depuis l’antiquité où les rôles féminins étaient joués par des hommes en passant par Shakespeare, le possible inventeur du terme drag (dressed as a girl).
Le lycée Marie Curie propose l’enseignement de spécialité artistique, ainsi que l’option facultative, musique et il existe aussi un atelier théâtre depuis 2018. C’est donc naturellement vers ce public que le choix de Monsieur Wimmer-Nejman s’est porté pour faire intervenir Cédric Morgen.
« C’est un métier artistique très rigoureux qui nécessite la construction d’un personnage, un travail énorme de maquillage et des heures de confection pour les costumes. Malheureusement, c’est encore un métier peu ou pas reconnu alors qu’il fait totalement partie des métiers du spectacle vivant et des arts de la scène » précise le professeur documentaliste. « Il s’agissait donc d’apporter un éclairage sur ce métier en terme d’art mais aussi en terme d’orientation pour ces élèves qui seront, peut être, amenés à travailler avec des artistes drag plus tard ».
Ainsi, Cédric Morgen, alias ViviAnn Du Fermoir-de-Monsac, a abordé l’histoire du drag, depuis l’antiquité jusqu’au retour des drag de nos jours avec RuPaul Drag Race, en passant par l’Angleterre élisabéthaine, les émeutes de Stonewall en 1969, aux États-Unis et l’explosion des artistes drag dans les années 90’s. Puis, il a insisté sur la construction de son personnage, la réalité du métier et les différentes perspectives d’avenir.
Les élèves présents l’ont écouté avec beaucoup d’attention et l’échange qui a suivi a été très riche de questions et de réponses.
Une exposition pour parler de visibilité et de droits.
A partir de la série documentaire de podcast « Coming out », créée par Elise Goldfarb et Julia Layani, série qui propose plus d’une trentaine de témoignages de personnalités mais également d’inconnus sur l’identité LGBTQIA+, Monsieur Wimmer-Nejman a créé une exposition composée de QRCodes renvoyant aux podcasts.
Cette exposition a été installée dans le hall du lycée afin que tous les élèves puissent scanner les QRCodes et écouter les différents épisodes.
« Tous.tes égaux », un concert-spectacle pour célébrer l’égalité.
Enfin, pour clore cette journée aux couleurs arc en ciel, c’est un concert-spectacle qui a eu lieu le soir.
Les élèves de terminale de l’option musique, accompagnés par des élèves danseuses de première et terminale et par l’ensemble des élèves de l’atelier théâtre du lycée ont imaginé une soirée durant laquelle on pourrait entendre des chansons faisant partie de l’univers queer, telles que « Take me to church » de Hozier, « Tu es mon autre » de Maurane et Lara Fabian, « Corps » de Yseult ou « Nombreux » de Angèle.
A ces moments de musique, se sont intercalés trois extraits du spectacle des élèves de l’atelier théâtre (« Les amants maudits » d’après Roméo et Juliette de Shakespeare) et la chorégraphie des danseuses.
David Wimmer-Nejman précise « Il nous fallait une marraine ou un parrain pour une telle journée. L’an dernier nous avions cherché mais sans résultat. Dès le début du projet, j’avais proposé à mes collègues que notre marraine puisse être ViviAnn Du Fermoir-de-Monsac. L’équipe de direction, que je tiens particulièrement à remercier pour ce choix, a validé cette proposition et nous avons donc eu le bonheur de l’avoir en maîtresse de cérémonie, ce qui a été salué par l’ensemble des personnes dans le public ».
« C’est pour moi un grand honneur d’avoir eu la confiance du lycée pour intervenir dans le cadre de cette journée. Les artistes drag ont toujours été des fers de lance et des porte-drapeaux de la communauté queer et ça avait vraiment du sens pour moi d’être présent au lycée auprès de tous ces jeunes. Bravo et un immense merci au lycée Marie Curie pour leur courage car c’est certainement le premier lycée en France à ouvrir ses portes à un artiste drag !! » complète Cédric Morgen.
Un investissement de toute la communuté éducative.
Pour terminer cet article, soulignons également l’investissement et l’encadrement de Mesdames Marie-Annick Guillemin, professeure d’éducation musicale et de chant chorale, responsable de la section musique, de Catherine Matter, professeure d’EPS qui a encadré les danseuses, d’Axelle Berthelot, seconde CPE du lycée, et de Tiziana Silvestri, Proviseure adjointe du lycée qui a été présente sur l’ensemble des manifestations de la journée.
A noter, même si les élèves n’ont pas pu aboutir leur projet pour la date du 17 mai, le très riche travail que Madame Esmeralda Rebois, professeure d’espagnol, avait commencé sur art et genre à partir des tableaux et de la figure de Frida Khalo.
Plus généralement, c’est l’ensemble de la communauté éducative du lycée qui a partcipé de près ou de loin aux actions. Les différents lieux de l’établissement, hall, restaurant scolaire, salle Marie Curie, se sont parés des couleurs LGBTQIA+ le temps d’une journée.
« C’est dans l’organisation de ce type de journée que la dimension citoyenne de l’école prend ainsi tout son sens. Nous ne sommes pas là juste pour transmettre des connaissances aux élèves mais pour essayer de leur donner les clés qui feront d’eux des citoyennes et des citoyens de demain ». Ces paroles tres justes de Mme Even-Schindler, partagées par Monsieur Wimmer-Nejman et la Direction du lycée, résument bien les convictions et la philosophie qui ont régné sur le lycée Marie Curie en ce 17 mai 2024.
Le lycée Marie Curie est fier de pouvoir se revendiquer comme le premier lycée de France à avoir ouvert ses portes à un artiste drag.
Enfin, par ces actions, le lycée montre qu’il peut et doit être un lieu dans lequel la communauté queer, élèves comme personnels adultes, peut se sentir libre et en sécurité d’être ce qu’elle est, sans aucune compromission.